Mille façons de rire
L'humour dans l'Algérie des années 60-80
Elizabeth Perego, Ohio State University - USA
La bande dessinée Zid ya Bouzid de Slim, les sketchs de Mohamed Fellag, les écrits de Rachid Mimouni
ou encore ceux d'Abderrahmane Lounès, l'émission « Sans Pitié » de la Chaine 3, les blagues sur le Président Chadli sont autant de manifestations de la diversité et de la richesse de l’humour
algérien. Ces multiples formes de la comédie algérienne des années 60, 70 et 80 ont révélé quelques-uns des particularismes du peuple algérien et ont contribué à l'émergence d’un caractère
national, celui de l'Algérien, esquissant ainsi les traits d’une algérianité. Tout comme les larmes, la sueur et le sang de la Guerre de libération, le rire des
années qui l'ont suivie a rassemblé dans une expérience commune un peuple qui venait de s'affranchir de cent trente deux ans de domination coloniale.
Malgré ce fait, très peu d'universitaires ont abordé à ce jour la question de l’humour algérien et mesuré son impact sur la société et la culture de ce pays. Elizabeth Perego cherche à combler
cette lacune historiographique en analysant la signification du rire à l’algérienne de ces trois décennies. En s’appuyant sur ses recherches menées aux Etats-Unis, en France et Algérie, cette
communication porte sur l’émergence d’un humour national et explore le lien entre le rire et la montée d’une culture algérienne nationale depuis l’indépendance.
Elizabeth Perego est doctorante en histoire à l’Université d’Etat de l’Ohio. Originaire de Pittsburgh, elle réside actuellement à Alger où elle mène une étude sur la fonction de l’humour pendant
les années 90 en Algérie. Sa passion pour le rire maghrébin est née lors de son expérience d'enseignante en Tunisie entre 2008 et 2010 et également de sa découverte des bandes dessinées
algériennes. Son mémoire de licence à l'Université de Tulane a abordé la question de la politisation du voile pendant la Guerre de libération nationale. Elle est l'auteure de plusieurs articles,
dont «Veil as Barrier to Muslim Women’s Suffrage in French Algeria, 1944-1954» publié dans Hawwa: Journal of Women of the Middle East and the Muslim World (Vol. 11, June 2014) et « Fanon’s Theory
of the Nation as the Locus of Anticolonial Revolution» dans la Revue de la Faculté des Lettres de l'Université de Mascara, Al-Mawaqif (décembre 2013). Elle s’intéresse globalement au lien entre
la politique, la culture, et le pouvoir, dans les contextes de conflit. Elle soutiendra sa thèse de doctorat en 2016.
Mali
Une crise au Sahel
Thierry Perret, Journaliste
Le Mali était, il y a peu encore, jugé un modèle de stabilité et de démocratie en Afrique. Cette
expérience a duré deux décennies. Née de la révolution démocratique survenue en mars 1991, après vingt ans de dictature militaire, elle a entretenu l’espoir que, malgré la permanence des
problèmes de développement dans un pays classé parmi les plus pauvres, ce qui avait commencé comme une transition inédite vers la liberté allait se poursuivre vers l’édification d’un système
possible de gouvernance africaine.
Début 2012 quelques semaines auront suffi pour mettre à terre un Etat devenu l’épicentre de la crise du Sahel. Occupé pendant onze mois par une rébellion
djihadiste, le Nord Mali est libéré en janvier 2013 par les militaires français. Huit mois plus tard, le Mali élit un nouveau président et entame une reconstruction dont il y a tout lieu de
penser qu’elle sera longue et pleine d’aléas.
Pourquoi l’Etat malien s’est-il effondré ? Pourquoi la menace intégriste, portée par des mouvements politico maffieux, est-elle devenue le nouvel ingrédient du mal séculaire du continent, entre
guerres intestines et plaies toujours rouvertes de la misère ? Pour y répondre, ce livre tente de comprendre les raisons de la fragilité en Afrique des processus politiques entamés vingt ans
auparavant sous le signe du pluralisme.
Une réflexion est en effet nécessaire pour évaluer l’impact des programmes d’aide au Mali, et le rôle que peuvent jouer les partenaires de ce pays dans sa reconversion. Parmi eux, l’Algérie est
concernée au premier chef. La crise au Mali est d’ailleurs une occasion de s’interroger sur la vocation régionale et africaine de l’Algérie et sur les moyens pour celle-ci d’assurer sa propre
sécurité.
Thierry Perret a été journaliste à Radio France Internationale, correspondant de RFI et de Libération en Afrique de l’ouest (1989-1994). Il a publié notamment Le temps des journalistes, Karthala,
2006 ; Les 100 clés de l’Afrique, (avec Philippe Leymarie) Hachette Pluriel, 2008. Il a occupé les fonctions d’attaché culturel en Algérie de 2010 à 2014
Un Guadeloupéen à Alger
Me Maurice L’Admiral (1864-1955)
Christian Phéline
Fils d’un notable mulâtre de Basse-Terre né esclave, Maurice L’Admiral poursuit à Alger un singulier
parcours jusqu’à l’aube de la guerre d’indépendance. Avocat «indigénophile», il connaît une précoce notoriété avec sa défense des révoltés de Margueritte (1901) où, le premier, il retourne
l’accusation contre les méthodes coloniales. Conseiller municipal au titre indigène de 1908 à 1919, il inspire la première délégation d’élus à se rendre à Paris revendiquer un accès élargi des
Musulmans aux droits civiques. Coopté comme bâtonnier par ses collègues européens en 1913, il reste également à la tête du barreau d’Alger jusqu’à la fin de la
Grande Guerre. En 1939, le jeune journaliste Albert Camus fait écho dans Alger républicain à sa plaidoirie en faveur du cheikh Taïeb El Okbi dans l’affaire du meurtre du grand mufti. Après 1945,
l’exemple de sa pugnacité encouragera aussi bien les jeunes défenseurs des militants nationalistes que l’étroite minorité des Européens «libéraux».
Se jouant de toutes les barrières de la société coloniale, la trajectoire hors normes de Maurice L’Admiral traverse ainsi sept décennies d’histoire algérienne. Elle permet d’interroger, tour à
tour, le statut paradoxal du mulâtre dans une société d’ancien esclavage comme les Antilles, les formes de résistance à l’arbitraire et à la dépossession dans l’Algérie sous domination française,
le mode d’émergence d’élites extra-européennes au sein de l’ancien Empire français, la place du combat pour l’égalité des droits dans la montée de la revendication nationale, de précoces
tactiques judiciaires anticipant de plusieurs décennies ce que sera la pratique d’une « défense de rupture » après 1954.
Tel un chaînon manquant entre le Guyanais Ismaÿl Urbain et le Martiniquais Frantz Fanon, ce personnage annonce également le ralliement de plusieurs jeunes intellectuels antillais à la lutte
algérienne de libération nationale : le poète Sonny Rupaire, les écrivains Guy Cabort, Daniel Boukman, le juriste Roland Thésauros, l’historien Oruno Lara… Le destin de Maurice L’Admiral illustre
déjà la force du « détour » qui, selon Édouard Glissant, peut porter l’homme de la Caraïbe à échapper par la « recherche de l’Autre » à l’étroitesse des Vieilles Colonies.
Autant d’invitations à « repenser le colonialisme » pour en mieux saisir les contradictions concrètes aux Antilles comme en Algérie, sans ignorer le rôle des échanges et des solidarités entre
colonisés de l’une à l’autre de ces situations si différentes dans l’Empire français
Issu d’une famille ayant vécu en Algérie pendant quatre générations, Christian Phéline a été coopérant au ministère de l’Agriculture et de la Réforme agraire peu après l’indépendance. Il a, par
la suite, participé aux débats qu’appelait la « voie algérienne » de développement. Après une carrière dans l’administration française de la culture et des médias, il écrit aujourd’hui sur
l’histoire de la période coloniale.
Parmi ses publications : Un Guadeloupéen à Alger Me Maurice L’Admiral (1864-1965) (Éditions Riveneuve, 2014) ; L’Aube d’une révolution. Margueritte (Algérie) 26 avril 1901 (Privat, 2012) ; Les
Insurgés de l’an 1. Margueritte (Aïn-Torki), 26 Avril 1901 (Casbah Editions, 2012).
Christian Phéline prépare la publication de Camus et l’impossible Trêve civile, un récit de Charles Poncet suivi d’une correspondance avec Amar Ouzegane, présenté, annoté et commenté en
collaboration avec Agnès Spiquel et Yvette Langrand (Gallimard, printemps 2015).
Humanisme et fanatisme
Dialogue avec Mohammed Arkoun
Gilles Kepel, Institut d'études politiques de Paris
A l’occasion de la publication du livre Les vies de Mohammed Arkoun par Sylvie Arkoun (PUF), Gilles
Kepel reviendra sur la personnalité, la pensée et l'œuvre de Mohammed Arkoun en dialogue avec ses ouvrages récemment publiés, Passion arabe/ journal 2011-2013 et Passion française - Les voix des
cités. Il donnera lecture en avant-première d'extraits de son texte à paraître : Passion en Kabylie - septembre 2014.
Spécialiste de l'Islam et du monde arabe contemporain, Gilles Kepel est professeur des universités à l'Institut d'études politiques de Paris (Sciences-Po) et membre de l'Institut universitaire de
France.
Depuis son étude Le Prophète et Pharaon : les mouvements islamistes dans l'Égypte contemporaine, paru en 1984, il a publié plus d'une dizaine de titres dont Jihad, Expansion et déclin de
l'islamisme aux éditions Gallimard en 2000, Fitna : Guerre au cœur de l'Islam, en 2004, Passion arabe-Journal 2011-2013, et enfin, chez Gallimard en 2014, Passion française - La voix des cités et
Passion en Kabylie - septembre 2014.
L’œuvre de Yamina Mechakra
Réflexions sur une « non-traduction » littéraire
Jill M. Jarvis, Princeton University
À travers une lecture attentive de l’œuvre brève et éclatante de Yamina Mechakra, cette conférence
s’interroge sur la « non-traduction » et la « non-diffusion » des textes littéraires algériens. Cette non-traduction limite leur dissémination dans les marchés littéraires internationaux et
constitue pour les lecteurs transnationaux un obstacle à leur accès. Parmi ses trois textes publiés, deux d’entre eux sont presque introuvables ; qui connaît aujourd’hui Arris ou encore Le réveil
du mont ? Qui les a lus ? Malgré l’ardente préface de Kateb Yacine — celle-ci est peut-être mieux connue encore que le roman lui-même, La Grotte Eclatée n’a jamais
été publiée ailleurs et reste inconnue hors d’Algérie.
En m’inspirant des théories critiques de ce qu’on appelle, dans l’académie anglophone, la « World Literature », cet exposé fait la lumière sur les raisons de l’absence de diffusion de l’œuvre de
Yamina Mechakra. Il réfléchit à la manière dont les qualités esthétiques et formelles de ses textes insistent sur la problématique de l’intraduisibilité, nous aidant à appréhender les raisons
pour lesquelles cette œuvre n’a pas encore été traduite hors d’Algérie.
Jill M. Jarvis est doctorante en littérature comparée à Princeton University. Sa thèse explore la politique de la fiction en Algérie postcoloniale. Elle sonde les approches intertextuelles et les
affinités esthétiques qui relient les romans et les récits publiés par des écrivains et écrivaines algériens en français et en arabe de la période contemporaine.
Illustration
: M’hamed
Issiakhem, Les Aveugles, huile sur toile, 162 x 129 cm, Musée national des beaux-arts d’Alger.
Le cyclisme d'Algérie (1945-1962)
Sport, enjeux identitaires et frontières coloniales
Niek Pas, Historien - Université d’Amsterdam
Cette communication porte sur le cyclisme d’Algérie pendant les années 1945-1962. Contrairement aux
autres sports populaires d’époque, notamment le football et la boxe, relativement peu d’analyses ont été consacrées à l’histoire de la ‘petite reine’ en Afrique du Nord au lendemain de la
Deuxième Guerre Mondiale pendant la période dite ‘Second Colonial Occupation’. À travers des recherches en Algérie et en France, travail d’archives, de presse et d’histoire orale, ce projet tente
de combler une lacune historiographique. D’un côté, l’analyse porte sur l’appropriation sportive de l’espace (et de la représentation du territoire) à travers de grandes épreuves telles que le Tour d’Algérie Cycliste. Comment, de quelle manière, ce sport enseigne le
pays? De l’autre, le cyclisme peut être analysé en tant qu’épreuve identitaire: du nationalisme algérien à l’identité nord-africaine en passant par les constructions identitaires locales
(citadines) et régionales. Comment le vélo a contribué dans l’émergence de ces différentes formes identitaires ? Quel est le rapport entre l’émergence des vedettes du cyclisme nord-africain
(algériens et pieds-noirs confondus), et les valeurs qu’ils véhiculent? Et qu’en est-il de l’évolution de la sportivisation de l’espace colonial pendant la période qui nous concerne?
Niek Pas (Pays-Bas, 1970) est maître de conférences en histoire contemporaine, à l’Université d’Amsterdam. Il a fait ses études aux universités d’Utrecht et de Tours, et à l’Institut d’Études
Politiques, Paris. Sa thèse de doctorat, soutenue en 2003, portait sur les représentations internationales de Provo (1965-1967), groupe contestataire originaire d’Amsterdam. En 2013, Éditions
Barzakh ont publié son livre sur le mouvement de solidarité néerlandais avec le peuple algérien: Les Pays-Bas et la guerre d’Algérie. Ses recherches actuelles portent sur le sport dans la société
coloniale, plus spécifiquement ‘Cycling Identities: le cyclisme en Algérie 1945-1962’.
Les peuples de l’Afrique aux IV-VIIe siècles, à la veille de la conquête arabe
Nacéra Benseddik, Historienne et archéologue - Ecole de conservation du patrimoine - Alger
Qu’est-il advenu, au cours des Ve et VIe siècles, de la culture
romano-africaine après une cohabitation mouvementée entre les Maures, les Berbères romanisés et les Byzantins, sachant que Justinien, avant tout un empereur grec, avait envoyé à la reconquête de
l’Afrique des orientaux totalement ignorants des réalités africaines ? Une longue et lente maturation de la conscience identitaire et politique a permis aux Maures d’instaurer dans toute la
Tripolitaine intérieure (Libye), le sud-ouest de la Byzacène (Tunisie), l’Aurès et ses marges, un état insurrectionnel à même de renverser la domination byzantine. De véritables royaumes sont nés
alors, à la faveur de l’effondrement politique de l’Empire, à la fois fidèles à leur identité tribale et attachés à la romanité et au christianisme, qui unirent Maures et Romains, levèrent des
impôts, frappèrent peut-être monnaie. Ces États féodaux berbéro-romains, semblables aux royaumes barbaro-romains francs ou wisigothiques, auraient-ils pu changer le destin de l’Afrique du Nord
s’ils avaient duré ? Les chefs maures de Byzacène et de Numidie jouèrent un rôle essentiel dans la défense de l’Afrique byzantine contre les conquérants arabes. En 647, lors du premier raid arabe
dans la région de Sbeitla, l’immense armée de l’exarque Grégoire comprenait non seulement des Byzantins mais aussi des Berbères. Plus difficile que celle du Proche-Orient et de l’Égypte, la
conquête de l’Afrique byzantine confrontera les Arabes à des Maures jouissant depuis longtemps d’une quasi indépendance politique. Deux personnalités maures ont marqué cette époque : Koceila puis
Kahina
Nacéra Benseddik est archéologue, docteur d’État en histoire ancienne et épigraphie. Tout en poursuivant ses recherches sur les inscriptions latines et l’histoire de l’Afrique antique, elle est
attentive à la question de la préservation du patrimoine archéologique. Outre plusieurs articles dans des revues et ouvrages spécialisés, elle a publié en 2011 Esculape et Hygie en Afrique,
recherches sur les cultes guérisseurs MAIBL, T. 44, puis en 2012 Cirta-Constantine et son territoire eux Editions Errance.
Bayt al-mâl
Liens de succession et communauté politique à l’époque ottomane
Isabelle Grangaud, CNRS - IREMAM
Dans les provinces ottomanes du Maghreb, comme dans le reste de l’Empire, les prérogatives du Bayt
al-mâl n’étaient pas celles qui dans l’Islam classique, l’associaient au Trésor. L’historiographie qui, en général, en a noté les restrictions s’est fort peu penchée sur cette institution. Elle
s’est surtout cantonnée à une vision mécanique peu attentive aux enjeux de son activité. La dimension fiscale du Bayt al-mâl a été rapportée à la simple capacité d’accaparement de l’État, et sa
richesse à un indice de la force de ce dernier. L’attention portée aux activités de ses agents permet d’en saisir des logiques toutes différentes qui placent la
capacité ou l’incapacité de transmettre sa succession à sa mort au cœur du dispositif de l’institution.
Cette conférence présente les logiques d’action des agents de cette institution dans le contexte algérois. Ces actions mettent en perspective le rôle de l’institution en tant que protectrice des
droits de/à la propriété dans le cadre de la succession post-mortem. Elles montrent qu’en se substituant aux ayants droits inexistants, c’est en héritier que le Bayt al-Mâl recevait non seulement
les héritages vacants mais encore payait les dettes et enterrait ceux-là qui étaient privés d’héritier. Enfin, ce sont ces derniers qui dans les termes de l’institution étaient fuqarâ’, pauvres,
ou ghurabâ’, étrangers. Cela amène à repenser la dimension des liens, non seulement au fondement des stratifications sociales, mais encore dans la construction des droits d’appartenance à la
communauté politique, l’État, que le Bayt al-mâl représentait.
Isabelle Grangaud, chercheure au CNRS et rattachée à l’Institut de recherches et d’études sur le monde arabe et musulman (IREMAM, Aix-en-Provence) travaille sur l’histoire de l’Algérie à l’époque
ottomane. Elle est l’auteure de La ville imprenable. Une histoire de Constantine au XVIIIème siècle (Média Plus, 2004) et, plus récemment, a dirigé La justice et ses écritures. Pratiques
d'enregistrement à l'époque ottomane, (dossier de la Revue de l'Institut des Belles Lettres Arabes, 2012) et, en collaboration avec Alain Messaoudi et M’hamed Oualdi, Besoins d'histoire.
Historiographies et régimes d’historicité au Maghreb à l’aune des révolutions arabes,(dossier de l’Année du Maghreb, 2014). Ses derniers travaux ont porté sur un regard croisé entre archives
ottomanes et institutions : « Dépossession et disqualification des droits de propriété à Alger dans les années 1830 » (in A. Bouchène, JP Peyroulou, O. Siari Tangour, S. Thénault (dir.), Histoire
de l’Algérie à la période coloniale, 2012) ; « La hawma : les processus de disqualification d’une institution ottomane (Alger, 1830) » (Insaniyat, 2013). Plus largement, sa réflexion a porté sur
les conditions de connaissance du passé maghrébin : « Tout est-il colonial dans le Maghreb ? Ce que les travaux des historiens modernistes peuvent apporter » (avec M’hamed Oualdi, L’Année du
Maghreb, 2014). Aujourd’hui, elle achève une recherche sur Bayt al-mâl à Alger à l’époque ottomane.
Document iconographique : Ordre de succession d’un bien. Fonds ottoman, série du Bayt al-mâl, ANOM, 15 MI 5.15.
Un « lac » français : La navigation à vapeur, l’Algérie et la Méditerranée, 1830-1930
John Perry, Doctorant - Ohio State University
Projection en plein air du film La Traversée
en présence de la réalisatrice Elisabeth Leuvrey
Synopsis
Chaque été, ils sont nombreux à transiter par la mer entre la France et l’Algérie, entre Marseille et Alger. Des voitures chargées jusqu’au capot… des paquetages de toutes sortes… des hommes
chargés de sacs et d’histoires. En mer, nous ne sommes plus en France et pas encore en Algérie, et vice-versa.
Dans l'entre-deux — l'entre deux rives, l'entre deux pays, l'entre deux appartenances — s'exprime alors une parole qui jaillit souvent par nécessité. Depuis le huis clos singulier du bateau, dans
le va-et-vient et la parenthèse du voyage, la traversée replace au coeur du passage ces femmes et ces hommes bringuebalés.
Le film documentaire La Traversée sera projeté en plein air dans le wast eddar des Glycines à l'occasion de la sortie en librairie du coffret livre-DVD co-édité par les éditions [Barzakh] et les
éditions Ecrans du Large.
Elisabeth Leuvrey est issue de 5 générations d’Européens de la Méditerranée dont les anciens, de leurs rivages siciliens, espagnols et français, s'embarquèrent un jour pour une traversée qui
s'acheva dans la baie d’Alger. Bien des années plus tard, leurs descendants refranchissaient la mer pour un exil en France.
Née en 1968 à Alger, c'est en 1974, douze ans après l'indépendance algérienne, que sa famille arrive en France.
Après des études à l'Institut de Langues Orientales de Paris, une rencontre déterminante avec le cinéaste Jean-Luc Leon lui ouvre les portes du cinéma documentaire. En 1998, c'est en Inde qu'elle
tourne un premier court métrage en 35mm, Matti Ke Lal, Fils de la Terre. Elle entreprend ensuite un retour en Algérie, suivi d'incessants voyages en bateau entre Marseille et à Alger qui
aboutissent à la réalisation de La Traversée, sorti en salle en 2013 en format long métrage d'1h12. En 2013, elle réalise At(h)ome (sélectionné en compétition internationale aux festivals Visions
du Réel, Suisse) à et Oh, Tu tires ou tu pointes ?
Rencontre littéraire avec Leïla Hamoutene
Animée par Nadia Sebkhi
Revisitant le temps, l’auteure évoque l’histoire récente de l'Algérie. Des voix féminines apportent
leur contribution à l'écriture de pages douloureuses. Des feed-backs incessants apportent la distanciation qui pourrait manquer pour mesurer la lutte des femmes de la période coloniale à celle
post- indépendance. Références historiques et fiction se mêlent pour apporter à ce combat la dimension humaine attendue.
Professeure de langue et écrivaine, Leïla Hamoutene a publié en 2014 aux éditions Casbah son dernier roman, Le châle de Zeineb. Sa première œuvre, Abîme, est un recueil de nouvelles publié à
l’ENAG en 1992, suivi du roman Sang et jasmin (éditions Marsa, 2001). En 2002, elle publie un recueil de poèmes, L’Enfant algérien, ainsi que des nouvelles
rassemblées sous le titre Le Sablier (ANEP). En 2012, elle écrit pour la jeunesse un roman, Sami et la planète bleue (Lazhari Labter éditions).
Leïla Hamoutene est également animatrice d'ateliers d'écriture en direction de la jeunesse.
Écrivaine et poétesse, Nadia Sebkhi est directrice de publication du magazine littéraire L’Ivrescq. Son dernier roman, Les sanglots de Césarée, est publié en 2012 aux éditions L. De Minuit.
Illustration : M’hamed Issiakhem, Fillette, huile sur toile, 1969. Musée National des Beaux Arts - Alger.
Le Maghreb transcontinental : enjeux et perspectives d'une approche littéraire transnationale
Edwige Tamalet Talbayev, Tulane University - USA
Cette conférence pose l’hypothèse d’un espace maghrébin ouvert sur le monde méditerranéen, le «
Maghreb transcontinental », conçu comme catégorie analytique opérant un recadrage transnational de la région allant au-delà de la relation binaire liant les ex-colonies d’Afrique du Nord (Maroc,
Tunisie, Algérie) à leur ancienne métropole. La mobilisation de ce concept s’inscrit dans une tentative de réappropriation de la longue dynamique historique d’échanges et de connectivité qui
relie depuis des millénaires les espaces culturels maghrébins à divers sites représentatifs de part et d’autre du « continent de la mer » (Gabriel Audisio). Sans
chercher à minimiser l’importance historique d’autres formes de transnationalismes maghrébins (le pan-arabisme ou le pan-africanisme, par exemple), cette intervention se donne pour objectif de
recentrer le débat sur la zone de contact que forme la Méditerranée, afin d’évaluer son potentiel dans la résolution des tensions religieuses, culturelles, économiques ou sociales les plus
tenaces entre Nord et Sud.
En prenant pour exemples différents moments de l’écriture d’une identité post-coloniale au Maghreb, l’argument vise à révéler au sein de ces littératures l’existence d’une conscience
méditerranéenne qui met en lumière la nature syncrétique des passés maghrébins. A la lumière du concept de « la pensée autre » de Abdelkebir Khatibi, une double critique remettant en cause tant
l’approche monologique de la modernité héritée de la pensée occidentale que les fondements théologiques et théocratiques de l’islam, nous présentons cet éthos méditerranéen comme une possible
troisième voie à restituer.
Ainsi, par le biais d’une analyse du concept critique de «zone de contact méditerranéenne » entre Nord et Sud, Occident et Islam, c’est tout le rapport du Maghreb à la modernité qui est mis au
jour, en contrepoint du modèle hégémonique du choc des civilisations proposé par Samuel Huntington.
Edwige Tamalet Talbayev est agrégée d’anglais et docteur en littérature (PhD) de l’Université de Californie à San Diego. Elle est « assistant professor » à Tulane University à la
Nouvelle-Orléans. Elle a récemment publié “Mediterranean Criss-crossings: Exile and Wandering in Tahar Bekri’s poetry” (Sites: Contemporary French and Francophone Studies, 2013), “The Languages
of Translocality: What Plurilingualism means in a Maghrebi Context” (Expressions Maghrébines, 2012), “Berber Poetry and the Issue of Derivation: Alternate Symbolist Trajectories” (Oxford Handbook
of Global Modernism, 2012). Avec Hakim Abderrezak et Claudia Esposito, elle a coordonné le volume d’essais « Le Maghreb méditerranéen : littérature et plurilinguisme » (Expressions Maghrébines,
11.2, 2012) qui explore le corpus plurilingue produit par la diaspora maghrébine en langues méditerranéennes autres que le française et l’arabe. Elle termine actuellement un ouvrage intitulé «
The Transcontinental Maghreb : Francophone Literature in a Mediterranean Context », d’où est tirée sa communication, et travaille à un volume sur la Méditerranée en tant que concept critique. De
2009 à 2013, elle a été « assistant professor » dans le département de français à Yale University et membre du Conseil d’Etudes sur le Moyen-Orient et du Conseil d’Etudes Africaines au Centre
MacMillan à Yale. Elle est depuis 2013 assistante à la direction de la revue scientifique Expressions Maghrébines.
La musique andalouse comme formation sociale
Étude d’anthropologie historique
Jonathan Glasser, Anthropologue - College of William and Mary - USA
« Dans cet exposé, j’entends montrer l'utilité et les défis de l’étude de la musique andalouse
maghrébine en tant que phénomène social, en particulier dans sa dimension algérienne depuis la deuxième moitié du 19ème siècle jusqu'à nos jours. Par l'exploration du milieu de ses maîtres et des
mélomanes dans les villes d'Alger, de Tlemcen, et de leurs satellites musicaux en Algérie et au Maroc, il s’agit de comprendre les bases sociales de la musique andalouse, resituée dans ses divers
genres d’expression. Nous nous intéressons également à la logique du projet dit de « rénovation » de cette musique autour du centenaire.
Penser la musique andalouse sous un tel angle nous permet d'aborder la question de sa production et de son public sans perdre de vue les débats relatifs à son identité, débats inhérents à sa
pratique sociale ».
Anthropologue, historien et musicien, Jonathan Glasser est actuellement professeur-assistant d'anthropologie au College of William and Mary à Williamsburg en Virginie (USA).
Les Services sociaux comme moyen de guerre
Les Foyers sportifs de l’armée française dans la guerre d’indépendance algérienne, 1957-1962
Terrence Peterson, Doctorant en histoire - University of Wisconsin-Madison
Face à un conflit révolutionnaire grandissant en Algérie, l’armée française a cherché des outils de
type révolutionnaire pour prendre en main la population civile. Pour la jeunesse algérienne, ce dispositif était le Foyer Sportif : un centre encadré par des moniteurs militaires avec pour but
d’entraîner, d’encadrer et d’éduquer la jeunesse non-scolarisée d’Algérie. Si les activités des foyers semblaient à priori apolitiques, leur but ne l’était pas. Inquiet du fait que le
manque d’emploi et d’éducation civique conduisent les jeunes musulmans à l’oisiveté, à une morale décadente, ou pire, à un engagement dans la lutte nationaliste,
les chefs du Bureau du Combat Psychologique de l’armée espéraient pouvoir utiliser le sport comme un outil qui façonnerait physiquement, socialement, et culturellement les jeunes Algériens. Ces
dirigeants estimèrent qu’en inculquant aux jeunes Algériens des valeurs telles que le fairplay et le travail d’équipe, et en leur donnant une éducation civique, les Foyers Sportifs
transmettraient un enseignement autrement plus important : une fidélité inconditionnelle à l’Etat français.
Elément des programmes de guerre psychologique en Algérie, les Foyers Sportifs essayaient de réduire les différences entre ‘Musulmans’ et ‘Européens’ par l’enseignement de comportements et de
normes sociales françaises. Ainsi, selon les officiers du bureau psychologique, l’armée pouvait résoudre définitivement le défi nationaliste en créant un rapprochement entre les populations
colonisatrices et colonisées et fonder une « Algérie Nouvelle » égalitaire et utopique.
Cette intervention explore les activités des Foyers Sportifs, l’un des moyens de l’armée pour maintenir l’état colonial en Algérie. L’aide à la population, les terrains de sport, et les services
sociaux de l’armée française – agiraient comme un champ de bataille.
Terrence Peterson est doctorant en histoire à l’Université de Wisconsin-Madison, aux Etats-Unis, où il écrit une thèse intitulée « Le Corps musulman pacifié: guerre psychologique et action
sociale dans la guerre d’Algérie ». Boursier Fulbright en France pour l’année 2012-2013 et enseignant dans le Département d’histoire, ses recherches portent sur le rôle du corps dans la
construction des identités nationales, et le rôle joué par les institutions de l’armée française dans le processus de décolonisation en Algérie. Parmi ses prochaines publications, un article sous
le titre « La question juive et le péril italien : Vichy, Italie, et les juifs de Tunisie, 1940-1942 » sera publié dans le Journal of Contemporary History à l’automne 2014.
La problématique de l’Unité maghrébine :
approche socio-historique
Hassan Remaoun, Historien - CRASC - Université d’Oran
Le Maghreb constitue sans doute une construction s’appuyant sur un certain nombre de strates et de
caractéristiques léguées par l’histoire et où s’entremêlent des données multiples à caractères socio-anthropologiques et politiques dont il est la résultante, avec une superposition
d’appellations diverses. En dehors de quelques rares périodes de son histoire marquées par des tendances centralisatrices autocentrées ou excentrées (antiquité romaine, période almohade ou
colonisation française) et malgré les tentatives opérées par des fractions du Mouvement national sous sa forme moderne, le Maghreb n’a pu aboutir à l’unité
politique. La tentative d’unification des mouvements de libération de Tunisie, d’Algérie et du Maroc, notamment à travers les débuts de constitution d’une Armée de libération du Maghreb (entre
1954 et 1956) ainsi que l’optimisme dégagé des conférences de Tanger (1948 et 1958), puis la fondation de l’UMA en 1988, le Maghreb n’a pu se constituer en entité nationale. C’est ce processus
d’ensemble que nous tâcherons de parcourir.
Historien et sociologue, Hassan Remaoun, est professeur à la Faculté des sciences sociales de l’Université Es-Senia d’Oran et directeur de recherche associé au CRASC, Centre National de Recherche
en Anthropologie Sociale et Culturelle.
Publications récentes :
- Co-direction avec Abdelhamid Hénia, Les espaces publics au Maghreb, Oran, Ed. CRASC, 2013, Tunis, Dirasset, 2013.
- « Penser la Révolution en Tunisie et dans le monde arabe : quel contenu pour un compromis historique ? » in Africa Review of Books/Revue Africaine des Livres, Vol 9 N° 2/Septembre 2013.
- البلاد المغاربية بوصفها جماعة متخيلة في دفاتر مجلة إنسانيات العدد 04 2013
- Direction, Approches sur l’exercice de la citoyenneté, Oran, Ed CRASC, 2012
- « Histoire Algérienne entre guerre et paix », entretien avec Mustapha Harzoune in Hommes et Migrations : Dossier France-Algérie. Le temps du renouveau N°1298-juillet-aout 2012.
- Co-coordination avec Pierre Boutan et Bruno Maurer, La Méditerranée des Méditerranéens. En lisant leurs manuels scolaires, Paris, Ed. L’Harmattan, 2012.
- « Le Maghreb comme communauté imaginée » in Insaniyat, N° 47-48, 2010.
- مسالة التاريخ في النقاش حول العنف في الجزائر في دفاتر مجلة إنسانيات العدد 02 2010
« Ils ont des droits sur nous »
La primauté de l’ancien combattant et le système colonial dans l’Algérie de l’entre-deux-guerres.
Dónal Hassett, Institut Européen Universitaire - Florence
« Ces Français que nous fûmes contraints de jeter dans la bataille, ils ont des droits sur nous ». Les
paroles du Président du Conseil, Georges Clemenceau, prononcées devant l’Assemblée Nationale le 20 novembre 1917, deviennent emblématiques de la relation d’obligation qui liait les anciens
combattants et l’État dans l’entre-deux-guerres. En France métropolitaine, les débats autour de la définition et la démarcation de ces droits sont longs et acharnés. En Algérie, juridiquement une
partie intégrale de la France, le contexte colonial sert à rendre le débat autour des droits des anciens combattants encore plus compliqué.
Ma présentation aborde l’histoire d’un mouvement transcommunautaire, l’Amicale des Mutilés et Anciens Combattants du Département d’Alger, qui regroupait des anciens combattants Européens et
indigènes dans une seule organisation revendicative. Elle se focalise sur les efforts des cadres (presque tous d’origine européenne) qui tentent de réconcilier leur soutien pour la revendication
principale du mouvement des anciens combattants, la primauté de l’ancien combattant, avec la réalité du système colonial, fondée sur la primauté raciale de l’Européen. De plus, elle considère la
façon dont les contradictions qui sous-tendent le discours des dirigeants de l’Amicale créent un espace dans lequel des acteurs indigènes peuvent articuler leur propre discours revendicatif et
politique. Dans cette année du centenaire de la Grande Guerre, cette présentation veut offrir un point de départ pour une discussion plus vaste des séquelles de ce conflit mondial en
Algérie.
Dónal Hassett est un chercheur irlandais qui prépare une thèse à l’Institut Européen Universitaire sous la direction du Professeur Ann Thomson (ancien maître de conférences à l’Université
d’Alger). Sa recherche est centrée sur l’évocation de la Grande Guerre dans les débats politiques de l’Algérie de l’entre-deux-guerres. Il a reçu sa licence et sa maîtrise en Etudes Européennes
au Trinity College de Dublin où il était « scholar ». Ses travaux recouvrent l’histoire coloniale, la décolonisation et l’Extrême Droite en France.
Le Génie militaire français et la production des villes coloniales
Boufenara Khedidja, Architecte Urbaniste - Université de Annaba
La thèse de Mme Boufenara, intitulée Le rôle du génie militaire dans la production des villes
coloniales en Algérie, s'inscrit dans le récent regain d’intérêt pour le patrimoine architectural et urbain colonial et sa revalorisation dont témoignent un certain nombre de publications
universitaires.
Ce travail trouve son fondement dans la recherche historique relative aux armées, aux militaires et à leur rôle dans les implantations urbaines, notamment dans le pourtour méditerranéen. Ainsi
l’étude de l’Empire romain révèle-t-elle une stratégie de peuplement et d’urbanisation de l'Afrique du nord qui inspire les Français pour leur établissement en
Algérie dès 1830 en matière d’architecture et d’urbanisme.
L’armée française dispose en Algérie d’une arme très efficace : le Génie militaire. Dès la conquête, l’édification de places fortes s’impose. Et sitôt la décision prise d'implanter une colonie de
peuplement, ces implantations prennent de l’ampleur ; elles concernent dans un premier temps les casernements puis les établissements sanitaires, qui par leur caractère monumental, constituent
des éléments architecturaux imposants dont l'impact est considérable sur les villes de Annaba et de Constantine, lesquelles relèvent ici de notre champ d'étude. L’édifice architectural et sa
fonction ont ainsi des effets structurants sur les villes par les percements, les alignements, les ouvertures, les portes, les extensions, …
Défense et protection contre les maladies ont été le leitmotiv des militaires français pour installer et accompagner la colonisation. Il en ressort des stratégies d’occupation et une stratégie
d’acteurs dont les militaires avaient la maîtrise et qui ont grandement contribué à la production des villes algériennes telles qu'on les connait aujourd'hui.
Quand les Algériens lisent Camus
Amina Azza Bekkat, Université de Blida
Afifa Bererhi, Université Alger 2
Christiane Chaulet Achour, Université de Cergy-Pontoise
Bouba Mohammedi Tabti, Université Alger 2
Certains y ont sans doute pensé… mais elles, elles l’ont fait ! Elles
ont choisi de concrétiser l’idée : faire le recensement le plus exhaustif possible de ce que les Algériens ont écrit sur Camus. Avec ces plus de deux cent noms recensés et près d’un millier de
contributions diverses, ce livre a l’ambition de sortir la fameuse association, « Camus et l’Algérie », de l’amateurisme ou de certitudes au pays et hors du pays : véritable dossier qui permet de
retrouver mais aussi de découvrir.
Ce recensement, presque toujours commenté et avec plus d’une dizaine de textes reproduits intégralement, est suivi de lectures des principaux textes de Camus : l’enquête en Kabylie, le 8 mai 45,
La peine de mort, la question du terrorisme, le « premier » homme, etc.
Et en écrin précieux à l’ouvrage publié chez Casbah Editions, le magnifique portrait de Camus par Denis Martinez, à lui seul, une lecture algérienne de l’écrivain, né à Mondovi en 1913.
Professeurs d’université, en exercice ou à la retraire, Amina Azza-Bekkat, Afifa Bererhi, Christiane Chaulet Achour et Bouba Mohammedi-Tabti, ont toutes étudié et enseigné l’œuvre de Camus. Elles
vous feront part, lors de cette conférence, de l’aventure passionnante que fut la confection de cet ouvrage et les prolongements qu’il peut avoir.
Amina Azza Bekkat est professeure de littérature à l’Université de Blida. Sa recherche est essentiellement axée sur les littératures africaines. Elle est l’auteure de Clefs pour la lecture des
récits en collaboration avec Christiane Achour aux Editions du Tell en 2003, d’une étude de critique littéraire sur l’œuvre de Mohammed Dib, avec Afifa Bererhi en 2004. Elle a publié plusieurs
ouvrages sur les littératures africaines, dont Regards sur les littératures d’Afrique à l’OPU en 2006, l’anthologie Lire l’Afrique aux Editions du Tell en 2009 et en janvier 2014, l’étude
critique du roman de Tierno Monenembo, L’ainé des orphelins, aux éditions Honoré Champion. Elle prépare la publication du Dictionnaire des auteurs algériens de 1990 à 2010 chez Chihab
Editions.
Afifa Bererhi est docteur honoris causa de l’Université de Valencienne et professeur de littérature française et francophone à l’Université Alger 2. Ses centres d’intérêts recouvrent le domaine
des contacts de cultures. Elle a collaboré à de nombreux projets de recherche internationaux suivis de publications, dont l’ouvrage collectif Albert Camus et les lettres algériennes : l’espace de
l’interdiscours, publié par l’Université d’Alger en 2007. Outre ses fonctions pédagogique et scientifique, elle est directrice de rédaction de la revue de l’Université Alger 2, ’’Réflexions et
perspectives’’ / ‘’Kalim’’ nouvelle série, après avoir dirigé la collection Auteurs d’hier et d’aujourd’hui aux éditions du Tell.
Christiane Chaulet Achour est actuellement professeur de littérature comparée et francophone et chercheuse au Centre de Recherche Textes et Francophonies qu’elle a dirigé de 2002 à 2009, à
l'Université de Cergy-Pontoise. Elle a enseigné à l’Université d’Alger de 1967 à 1994. Elle a publié de nombreuses études sur les littératures du Maghreb et sur celles de la Caraïbe. Ses
recherches portent en particulier sur les écritures des femmes. Elle s’est aussi intéressée aux écrivains de l’Algérie coloniale, de l’Indochine et de l’Afrique sub-saharienne. Dans ce cadre,
elle a beaucoup travaillé sur Albert Camus dont elle sonde, depuis sa thèse, son rapport à l’Algérie et aux écrivains algériens.
www.christianeachour.net
Bouba Mohammedi Tabti est professeure au Département de Français de l’Université Alger 2. Elle a enseigné la littérature française, Camus, entre autres auteurs, et francophone, s’intéressant tout
particulièrement aux rapports qu’entretient la littérature avec l’Histoire aussi bien en France qu’en Afrique et aux Antilles, ainsi qu’aux littératures féminines. Sa thèse porte sur la
littérature algérienne des années 80. En dehors d’articles sur ces sujets, elle est l’auteure d’un ouvrage sur Maïssa Bey paru aux éditions du Tell et d’un ouvrage sur Sembène Ousmane aux
éditions Champion.
La « malikisation » du Touat :
un exemple de diffusion et d’implantation du malikisme en milieu saharien
Élise VOGUET, Docteur en Histoire - Université Paris I Panthéon-Sorbonne
Le Touat, région du sud-ouest algérien (qui regroupe le Touat à proprement parler, le Gourara et le
Tidikelt) fut, à partir du XIIIe siècle, le véritable carrefour des routes transsahariennes reliant le Maghreb et le bassin méditerranéen aux empires de l’Afrique sub-saharienne. S’il est évident
que c’est par ces routes que s’est faite la « mâlikisation » du Sahara, reste à en étudier les processus et les modalités.
Il faut en premier lieu s’attarder sur l’imbrication des pouvoirs politiques, du commerce et des idéologies religieuses à travers la lutte pour le contrôle de ces
voies sahariennes. Le destin des oasis du Touat fut d’abord lié à celui de Sijilmassa et des Mérinides même si la région avaient également d’importants rapports avec les ‘Abdelwadides de Tlemcen,
rapports qui vont être renforcés à la fin du XIVe siècle après la destruction de Sijilmassa. Au sud, les souverains africains qui entendaient garder la main sur le commerce de l’or ont également
joué un rôle important dans le développement des réseaux marchands mais aussi dans la concurrence entre mālikisme et ibadisme. Ce sont évidemment les enjeux commerciaux qui motivent ces
compétitions mais elles sont imbriquées à d’autres enjeux d’ordre idéologique.
Il faut ensuite étudier le réseau des juristes, la circulation du savoir mais aussi les positionnements politiques des hommes de droit, et l’adaptation du fiqh aux situations locales.
Un bon exemple est fourni par le débat juridique qui eut lieu à la fin du XVe siècle au sujet du statut légal des synagogues du Touat. L’étude de cette polémique et de la jurisprudence locale
(qui se constitue à partir du XVIe s.) permet de mettre en relief les connections du Touat aux centres d’élaboration du mālikisme mais aussi d’étudier les soubassements du madhab au Touat et son
élaboration perméable aux conditions socio-économiques et politiques de la région.
Il faut enfin se pencher sur les phénomènes du maraboutisme et du chérifisme et sur leur rôle dans la sunnisation du Touat. Dès le XIVe siècle on voit surgir différents walī (Saint) puis à la fin
du XVe se multiplier zawiyas et lignages de mrabtīn (marabouts) venus de Fès ou de Tlemcen. Les juristes sont affiliés aux confréries et la tradition hagiographique confond la mémoire des oulémas
à celle des saints locaux. A partir du XVIe le phénomène du chérifisme vient s’associer à cette fusion (confusion ?) des élites religieuses et va contribuer à définitivement ancrer le mālikisme
au Touat.
Docteur en Histoire de l’Université Paris I Panthéon-Sorbonne - thèse de doctorat intitulée Entre réalités sociales et constructions juridiques, le monde rural du Maghreb central à travers les
Nawāzil Māzūna (à paraître aux Publications de la Sorbonne), Mme Elise Voguet est chargée de recherches à la section arabe de l’Institut de Recherche et d’Histoire des Textes (IRHT/CNRS) et
enseigne à l’Université Paris IV. Elle travaille sur les espaces ruraux notamment par l’étude des recueils de jurisprudences mālikites et est porteuse d’un projet ANR pluridisciplinaire sur le
Touat. Elle prépare la publication d'un ouvrage collectif sous le titre Terroirs d’al-Andalus et du Maghreb médiéval : peuplements, ressources et sainteté à paraitre aux éditions Bouchène. En
2011, elle a codirigé l'ouvrage La légitimation du pouvoir au Maghreb médiéval. De l’orientalisation à l'émancipation politique paru aux éditions Casa de Velázquez.
http://cnrs.academia.edu/
L'espace du logement social à Alger
de la typologie des architectures à la typologie des réappropriations
Mourad BOUZAR, Architecte d'intérieur - Maître assistant - Ecole Supérieure des Beaux-arts - Alger
La ville d'Alger constitue depuis la seconde partie du 20ème siècle un champ d'expérimentation de
l'habitat de masse qui permet l'observation de certaines problématiques liées au logement du plus grand nombre à moindre coût. Notre étude s’attachera à montrer comment les typologies des
ensembles d’habitation du Climat de France et du Champ de Manœuvres continuent d'influencer la conception des logements sociaux contemporains.
Nous verrons comment l’architecture du logement social aujourd’hui, en sacrifiant les désirs inconscients de l'habitant aux processus de rationalisation de l'espace, met en relief une
inadéquation entre le cadre bâti et l’espace vécu. Nous nous intéresserons à la confrontation entre les pratiques « d'aménager » du concepteur et celles « d'habiter » de l'usager, et verrons
comment cette confrontation fonde l'organisation effective de l'espace.
Ces pratiques adaptatives et transformatrices des habitants - injection par exemple de significations privées dans un environnement impersonnel - apparaissent comme une réappropriation physique
et mentale de l’espace, phénomène qui sublime le logement social en un produit humain et le fait évoluer, à travers son esthétique, en vecteur de signification.
L'analyse de la réappropriation de l'espace du logement social sous l'angle des pratiques réelles et symboliques nous permettra de discuter l'approche fonctionnaliste des concepteurs et
d’expliciter le rôle prépondérant des modèles culturels dans le processus d'habiter. Relativisés à l'expression des modes de vie, ces modèles autorisent l'amorce d'une réflexion centrée sur la
forme, sur la typologie ainsi que sur les standards de qualité d'un logement économique approprié.
Mourad BOUZAR est architecte d'intérieur diplômé de l'Ecole Supérieure des Beaux-arts d'Alger. Titulaire d'un Magistère en Arts et sciences de l'art (2012), il a présenté son mémoire sous le
titre : "Le logement social à Alger, de la typologie des architectures à la typologie des réappropriations. Cas du recasement et de l'habitat à loyer modéré". Il est actuellement maître assistant
à l'Ecole Supérieure des Beaux-arts.
Le bilinguisme juridique : enjeu de la sécurité juridique
Lahlou-Khiar Ghenima, Professeur de droit - Université d’Alger
L'Algérie au "siècle du blé" (1725-1815)
L'essor du commerce extérieur algérien à l'époque ottomane et ses conséquences.
Ismet Touati, Docteur en Histoire moderne et contemporaine - Université Paris-Sorbonne
Dans l’ensemble, l’historiographie de l’époque coloniale a transmis une image sombre de l’Algérie de
l’époque ottomane : celle d’un repaire de corsaires vivant et s’enrichissant surtout du pillage de l’Europe et celle d’un pays devenu stérile sous les mains des dirigeants ottomans. Il s’agissait
d’asseoir la domination française en Algérie, en présentant la France comme l’héritière de l’Empire romain qui, seul, aurait su faire prospérer l’Afrique du Nord, en faire le grenier à
blé de Rome, en particulier.
Or, si la course algérienne fut effectivement florissante aux XVIe et XVIIe siècles, elle déclina au XVIIIe siècle. Dès lors, le développement des exportations de blé algérien fut encouragé par
les autorités ottomanes, d’autant plus que l’essor démographique de l’Europe au siècle des Lumières provoqua une hausse de la demande et des prix.
A l’essor des exportations succéda leur effondrement en raison, d’une part, des conséquences néfastes des rivalités au sommet du pouvoir algérien autour de la rente tirée des exportations et,
d’autre part, de la prise en otage de l’Algérie et de son commerce par les deux grandes puissances française et anglaise dans le contexte des guerres de la Révolution et de l’Empire.
Ismet Touati est docteur en Histoire moderne et contemporaine, de l’université de Paris-Sorbonne. Sa thèse, portant sur les exportations de blé algérien à l’époque ottomane, est en cours de
publication aux Editions Bouchene.
Illustration : Plan de la colonie de La Calle chef-lieu des établissements de la Compagnie royale d'Afrique sur la côte de Barbarie, 1788. Source : gallica.bnf.fr /
Bibliothèque nationale de France
La diaspora algérienne : reflets d’une société en mouvement
Mohamed Benguerna, Directeur de recherche - CREAD
Daho Djerbal, Maitre de conférence - Université Alger 2
Jean-Baptiste Meyer, Directeur de recherche - IRD
Le système social traditionnel en Algérie
et son rapport au fait religieux
Slimane Medhar, Professeur de psychologie sociale - Université Alger 2
"Le système social traditionnel constitue l'un des soubassements de la
société algérienne. Loin de se réduire à un ensemble de traditions, il comporte plusieurs dimensions : le sacré, une culture, une organisation sociale, un mode de gestion du facteur humain, un
agencement mental et une structure économique.
Le système que composent ces dimensions a, entre autres, une origine, une logique et une raison d’être. Il génère et entretient un mode de vie dont la famille est la base sociologique. Mais il
est, pour des raisons qui méritent d'être analysées, implicite. Il n’est inscrit nulle part, sinon dans les mémoires individuelles et collectives. Cela facilite son occultation alors même que son
emprise sociale est considérable. Notre analyse vise à déceler et à évaluer ses effets sociaux, en particulier dans son rapport à l’Islam."
Slimane Medhar est professeur de psychologie sociale et de méthodologie à l’Université Alger 2. L’analyse de l’échec du processus de développement et de la violence lui ont progressivement permis
de déceler le système social traditionnel et le mode de vie qu’il génère. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages sur ces thématiques
Le voyage dans l’Afrique Antique
Stéphanie Guédon, Historienne de l’Antiquité - Université de Limoges
« Celui pour qui le voyage est agréable, n’aime pas sa patrie » écrivait Augustin. Ses mots, qui
reviennent régulièrement sous la plume de l’évêque d’Hippone dans ses commentaires sur la religion chrétienne, sonnent également comme un constat plus personnel sur sa propre expérience du voyage
sur les routes de l’Afrique romaine à la fin de l’Antiquité. Ici, la distance est frappante entre une image très rébarbative du voyage, en raison notamment des divers désagréments et dangers qui
sont susceptibles de guetter le voyageur, et la multiplication des voyages personnels mais également officiels depuis le Principat d’Auguste et l’affirmation du
contrôle de Rome sur le territoire africain, qui modifie le contexte même dans lequel ils se réalisent désormais. Quelles évolutions ont alors connues les différentes pratiques du voyage,
entrepris à titre privé ou bien à titre public ? En quoi sont-elles emblématiques des grands changements qui ont transformé la société et le territoire provincial africains, depuis le règne
d’Auguste jusqu’à l’époque de saint Augustin ?
Stéphanie Guédon est maître de conférences en histoire romaine au Centre de recherche interdisciplinaire en histoire, histoire de l’art et musicologie de l'Université de Limoges. Elle a publié sa
thèse sous le titre Le voyage dans l’Afrique romaine - Éditions Ausonius, Bordeaux, 2010. Ses recherches s'intéressent plus particulièrement aux réseaux et aux échanges interprovinciaux au sud de
la Méditerranée romaine - Afrique romaine, désert libyque, Égypte romaine. Elle a dirigé la publication des actes du colloque « Entre Afrique et Égypte : relations et échanges entre les espaces
au sud de la Méditerranée à l’époque romaine », Éditions Ausonius, Bordeaux-Paris, 2012.
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Rire là où ça fait mal
Humour et Histoire dans les spectacles de Fellag
Sandra Rousseau, Université Penn State - États-Unis - Invitée par le FIBDA
Et si l’Algérie et la France pouvaient à nouveau se rencontrer pour la première fois ? À la lumière du
concept de « performative encounter » tel qu’il est développé par Mireille Rosello, j’analyse deux spectacles du comique Mohammed Fellag. L’étude de Djurassique bled (1998) et de Le dernier
chameau souligne le caractère décisif de l’humour dans la mise en place de la ‘rencontre performative’. Mon travail propose que la réécriture de l’histoire proposée par Fellag crée une nouvelle
manière d’envisager la coexistence des peuples algériens et français, et permet une annihilation de la distance qui sépare ces mêmes communautés, dans la salle et
au-delà. Mon analyse des deux spectacles repose sur deux aspects fondamentaux de la performance : l’utilisation d’une langue hybride et la subversion de l’histoire officielle qui révèle une
réflexion sociopolitique sur la construction des mémoires communautaires.
Sandra Rousseau est étudiante de troisième cycle à l’Université Penn State aux États-Unis. Elle complète une thèse intitulée « Le rire de la mémoire : les relations franco-algériennes et la
mémoire populaire comique (1954-2012) ». Son travail interroge l’intersection des concepts d’humour, de mémoire et de culture populaire et tente de conceptualiser les particularités de la mémoire
comique.
Contrôler l'information : l'administration française, la société coloniale
et l'actualité internationale en Algérie, 1881-1939.
Arthur Asseraf, Doctorant - All Souls College - Université d'Oxford
Bien loin du cliché d'une société renfermée sur elle-même, les Algériens sous domination française
s'intéressent activement à l'actualité internationale et la comparent à leur situation locale. L'historiographie de l'Algérie coloniale s'est focalisée sur les rapports entre l'Algérie et la
France métropolitaine, mais quels rôles ont joué les événements extérieurs sur la société algérienne?
Pour répondre à cette interrogation, on peut esquisser les multiples pratiques de consommation de l'information (écrites et orales) en Algérie coloniale. Pratiques que l'administration française,
terrorisée par l'idée d'une subversion extérieure des "indigènes", essaie de contrôler avec plus ou moins de succès. Dans une colonie de peuplement, la circulation de l'information emprunte des
chemins complexes qui suivent les inégalités de la société coloniale: tout le monde n'a pas le droit de savoir la même chose.
De la guerre mahdiste au Soudan égyptien en 1884-5 à la guerre civile espagnole dans les années 30 en passant par le conflit turco-grec ou le mouvement indépendantiste indien, l'actualité
internationale joue un rôle ambigu: espace de critique indirecte de la colonisation française et zone sous haute surveillance qui inspire la répression et les théories du complot les plus
extravagantes. Profitant des peurs de l'Etat colonial, les acteurs politiques apprennent à utiliser son potentiel subversif à leur avantage. S'appuyant à la fois sur les archives coloniales et la
presse francophone et arabophone produite en Algérie, il est donc possible de délimiter les rapports qui lient les différents groupes de la société coloniale au monde extérieur.
Arthur Asseraf est doctorant en histoire globale à l'Université d'Oxford et "fellow" à All Souls College. Sa thèse porte sur les usages de l'information extérieure en Algérie coloniale. En outre,
il prépare actuellement plusieurs articles sur les comparaisons entre les Etats-Unis et l'Algérie et sur les députés algériens en France sous la Cinquième République. Plus largement, ses travaux
tâchent de replacer l'histoire de l'Algérie coloniale dans l'histoire globale de la colonisation de peuplement.
Rencontre avec l’écrivain et traducteur Mohamed Sari autour de son parcours littéraire et de son dernier roman en arabe Les citadelles érodées (Barzakh 2013).
لقاء مع الكاتب والمترجم محمد ساري حول مساره الأدبي وروايته الجديدة "القلاع المتآكلة" (البرزخ 2013).
Mohamed Sari, professeur de littérature moderne, Écrivain et traducteur - université d’Alger
Né en 1958, Mohamed Sari est professeur de littérature moderne à l’université d’Alger, romancier
(arabe/français), critique littéraire et traducteur. Il est l’auteur de plusieurs romans dont Le labyrinthe (Marsa Paris 2000), El Warram (Ikhtilaf 2002), El Reith (Barzakh, 2007), et Le naufrage
(Alpha, 2010). Il a traduit de nombreux romans du français vers l’arabe d’écrivains algériens (Malika Mokeddem, Anouar Benmalek, Boualem Sansal, yasmina Khadra,
Salim Bachi, Djamel Souidi, Samid Skif, Rachid Boudjedra, Malek Haddad) et la trilogie nordique de Mohamed Dib Les terrasses d’Orsol, Le sommeil d’Eve, Neiges de marbre (Chihab éditions Alger
2012).
محمد ساري من مواليد 1958. أستاذ بجامعة الجزائر. كاتب ومترجم. نشر روايات عديدة : على جبال الظهرة (1983)، السعير (1986)، البطاقة السحرية (1997)، الورم (2002)، الغيث (2007). وبالفرنسية
Le labyrinthe (2000) و Le naufrage
(nouvelles) 2010 . وترجم روايات كثيرة من الفرنسية إلى العربية لكتاب جزائريين أمثال مليكة مقدّم، أنور بن مالك، بوعلام صنصال، ياسمينة خضرا (4 روايات)، سليم باشي، مايسة باي، جمال سويدي، حميد سكيف،
مالك حدّاد (سأهديك غزالة)، رشيد بوجدرة (رسائل جزائرية)، وثلاثية الشمال (سطوح أُرْسول، غفوة حوّاء، ثلوج من رخام) لمحمد ديب
كما نشر كتبا نقدية ومقالات ودراسات أدبية عديدة
Deux évènements tragiques secouent violemment le village de Ain Karma
et le sort de sa léthargie ; une attaque surprise armée du fourgon cellulaire qui transporte des prisonniers et qui se termine par un carnage ; la mort du fils d’un ancien fonctionnaire de
l’éducation dans des conditions obscures. Y’a-t-il une relation entre les deux crimes qui se sont déroulés à une journée d’intervalle ? C’est ce que tente de découvrir l’avocat- narrateur de ce
roman, à travers les récits de vie des personnages, mêlant présent et passé, et à travers eux, l’histoire de ce petit village de la Mitidja, depuis les premières années d’indépendance et ce
jusqu’au terrible choc de la décennie noire, avec ses lots de joie et de déception, de bonheur et de malheur, de rêves et de cauchemars : le narrateur- avocat à l’enfance difficile, et son
chaotique parcours dans les couloirs des palais de justice ; l’enseignant, ancien gauchiste se retrouvant dans sa retraite avec un fils terroriste et une femme atteinte d’un cancer ; le
commissaire de police, un adepte d’une justice forte, qui fait de la devise de Rousseau « la justice sans la force est faible, et la force sans la justice est tyrannique » son credo ; le jeune
trouvé mort, un pistolet volé dans la main, et son engagement progressif avec les islamistes du FIS ; les jeunes policiers qui profitent du chaos pour s’enrichir ; les jeunes désoeuvrés des
quartiers populaires, passant du rêve de l’Etat islamique aux maquis des terroristes ; les paysans qui prennent les armes pour défendre leurs vies et leurs honneurs… Tous ces personnages, avec
leurs récits entremêlés, vont faire exploser le village tranquille de Ain Karma et le plonger dans une violence sans nom.
تستيقظ قرية عين الكرمة على وقع حادثتين مفجعتين تدخلانها في دوامة عنف تعصف بسكينتها. هجوم مسلّح على شاحنة الشرطة التي تحمل المساجين للمحاكمة يخلّف مجزرة مروِّعة، واكتشاف جثة ابن موظف متقاعد من قطاع التربية داخل ساحة المتوسطة التي يقطن بها وهي ملطخة بالدماء. ما هي حيثيات وملابسات الحادثتين؟ هل توجد علاقة بينهما إذ لا يفصل بين زمن وقوع الواحدة عن الأخرى إلا يوم واحد فقط؟ هذا ما يحاول اكتشافه المحامي والسارد لأحداث هذه الرواية التي تغوص في حاضر وماضي شخصيات متعدّدة، من واقع هذا المجتمع الجريح؛
شخصية المحامي الذي يتحسّر على ما وقع من تغييرات شوّهت وجه القرية الآمنة التي دخل إليها ذات يوم يحمل في محفظته أول تعيين له معلما في مدرستها؛ الأستاذ المتقاعد الذي يكتشف جثة ابنه الذي تحوم حوله شبهة انضمامه إلى الجماعات المسلحة التي أعاثت فسادا ورعبا بأهل القرية وهو الذي كرّس حياته لتعليم الأجيال الجديدة معاني التنوير والحداثة؛ الابن الذي يجد نفسه مساقا في دوامة أحلام كبيرة تحولت إلى كوابيس؛ الأمّ الممزقة بين صراع زوجها وابنها، والتي تقاوم سرطانا يمتص حياتها يوما بعد يوم؛ محافظ الشرطة الذي يحلم بدولة القانون، المولع بكتابات جان جاك روسو؛ وشخصيات أخرى كثيرة من أعوان الشرطة الذين استغلوا الفوضى العارمة للاغتناء، وشباب حي "البراريك" الذين انساقوا هم أيضا، تحت ظروف حياتهم غير المستقرة خلف خطابات مغرية أوصلتهم إلى العصيان المسلّح
تَعلو أصواتُهم جميعا وتتداخل وتتشابك، لتحكي مسارات هشّة، تشبّثت بقلاع تصوّرتها متينة وقادرة على حماية تلك الأحلام الواعدة، ولكن الزمن والحتميات التاريخية هدّت تلك القلاع من عليائها، ليجدوا أنفسهم عرضة للتآكل الزاحف المؤدي إلى زلازل داخلية مدمرة
Exposition photographique
lisières
Maude Grübel, Photographe - Diplômée de l’Académie de la Photographie de Munich - Staatliche Fachakademie für Fotodesign München
j’irai voir la Casbah
Abed Abidat,Photographe
Diplômée de l’Académie de la Photographie de Munich (Staatliche
Fachakademie für Fotodesign München), Maude Grübel vit à Marseille depuis 2006. Dans son travail artistique elle mène une réflexion sur notre intime mémoire, l’évanescence et les relations
temporelles – éléments qui façonnent notre identité réelle ou fictive. De père allemand et de mère française de Tunisie, son travail s’inscrit dans un territoire entre l’Europe et le Maghreb. Ses
œuvres sont exposées en France et en Allemagne. Elle encadre régulièrement des ateliers de photographie destinés à différents publics.
Lisières présente le premier volet d’un projet à long terme qui est déterminé par les allers – retours entre les territoires algériens et marseillais. Dans un univers d’images poétiques, les
photographies prises en Algérie cherchent à confronter la notion d’entre-deux et ouvrent un espace sur une réalité bipolaire où mémoires fantômes, présences – souvenances et oublis –
s’entremêlent.
“Lisières mouvantes. J’observe les signes de ses déploiements et redéploiements – frontières extérieures visibles et barrières intérieures invisibles – lignes imaginaires et obstacles à
surmonter. J’enregistre ce que les lieux semblent accepter de me dévoiler, tentée d’en extraire une compréhension de l’instant et je décris la vie à travers le vide et l’absence.”
Le projet Lisières est une coproduction avec Les Bancs Publics / Les Rencontres à L’Échelle Marseille. Avec le soutien du Service de Coopération et d’Action Culturelle de l’Ambassade de France en
Algérie, du Fond Roberto Cimetta / Conseil Général des Bouches du Rhône et de la DRAC PACA (2010)
Abed Abidat se tourne véritablement vers la photographie le jour où on lui offre un appareil photographique reflex. Porté par la curiosité qui deviendra une passion, il intègre la section
photographie de l’Université de Provence à Aubagne. Il compose les images dans une intention bien précise, quitte à surprendre, à étonner. Les sujets qui l’intéressent et qu’il traite sont
centrés sur une société, un groupe d’individus, une famille, dans un contexte géopolitique particulier. Il en extrait les traces. Il en restitue la mémoire. Il est attaché aux origines, à ce dont
l’Homme est issu. “Faire de la photographie, c’est créer du lien, conduire une enquête, c’est un prétexte pour des rencontres”. Plusieurs éditions à son actif : La série de coffrets
photographiques et les deux ouvrages dans la collection Mémoire des Hommes aux éditions Images Plurielles : Chibanis, chibanias, portraits d’une génération sans histoire ? et 8 mai 1945, tragédie
dans le Constantinois, Sétif, Guelma, Kherrata...
« Marseille, Quartier de la Plaine, jour de marché. « La Casbah d’Alger, la Casbah d’Alger ». J’entends ce cri d’exaltation, entre joie et désespoir, de cet homme qui exulte et que je croise et
que je regarde et que je vois. Je me promets alors d’aller à Alger photographier la Casbah.
On parle souvent du quartier de la Casbah comme d’un site touristique, classé au patrimoine de l’Unesco ou comme d’un lieu insalubre et à l’abandon. Je m’y suis rendu, j’ai vu un quartier en
perpétuel mouvement avec des passants et des habitants qui sortent d’on ne sait où, qui vont on ne sait où, attendent. J’ai vu un lieu vivant et entraînant. Un lieu mythique, subjuguant, j’ai
voulu le montrer à ma façon. »
Journée d'étude
Des chrétiens dans la guerre, 1954-1962
Le rôle et l'action des chrétiens dans la guerre de libération nationale
9h00-9h30 : Discours inaugural
Monsieur Rédha Malek, Chef du Gouvernement.
10h00-10h30 : Les institutions catholiques et protestantes et la guerre de libération algérienne
Dr. Darcie Fontaine, Assistant Professor of History, University of South Florida, Tampa, Etats-Unis
10h30-11h00 : Rencontre avec l’Abbé Scotto autour de novembre 1954
Daho Djerbal, Maître de conférences, Université d’Alger 2
11h00-11h30 : Témoignage Chrétien et le dossier Jean Muller
Malika El Korso, Professeure, Département d'Histoire, Université d’Alger 2
11h45-12h15 : L’Eglise d’Oran durant l’entre-deux-guerres et après …
Fouad Soufi, chercheur, CRASC, Oran
12h15-12h45 : Le cardinal Léon-Etienne Duval, vu par les Algériens
Denis Gonzalez, algérien, né à l’Hillil – Relizane, ancien vicaire général du cardinal Duval, auteur de l’ouvrage : "Léon-Etienne Duval, une grande conscience morale de son
temps", Riveneuve éditions, Paris, 2012
14h30-15h00 : Des chrétiennes engagées : itinéraires de femmes dans la révolution
Barkahoum Ferhati, CNRPAH, Alger
15h00-15h30 : Présentation de l’ouvrage : Frères et compagnons, dictionnaire biographique d'Algériens d'origine européenne et juive et la guerre de libération (1954-1962) – Dar Khettab,
2013
Rachid Khettab, éditeur
15h30-16h00 : Les prêtres de la Mission de France dans la guerre d'Algérie : une résistance plurielle
Sybille Chapeu, docteur en histoire, Université de Toulouse-Le-Mirail
16h15-16h45 : Les libéraux Européens d'Algérie, retour sur quelques témoignages.
Lahcène Zeghdar, enseignant chercheur à la Faculté des sciences politiques, Université Alger 3
16h45-17h15 : Consciences algériennes, Esprit, Consciences maghrébines : la construction d’une posture anticoloniale
Jean-Robert HENRY, Directeur de recherches émérite au CNRS (IREMAM, Aix-en-Provence).
17h15-17h45 : Discours de clôture
Poétique et politique dans l'oeuvre de Jean Sénac
Hamid Nacer-Khodja, Écrivain, Maître de conférences - Université de Djelfa
Le poète algérien Jean Sénac (1926-1973) est considéré aujourd'hui comme une figure dominante, aussi
bien par son œuvre que par son action, des lettres algériennes d'expression française, ayant traversé une période capitale de l'Algérie: les dernières années de la colonisation, un pays en guerre
de libération nationale, une jeune nation post indépendante. Cette activité a éclipsé un autre volet de son talent, la critique littéraire et artistique qui a été pourtant au cœur de son
oeuvre-vie.Il convient donc de retracer l'itinéraire fort personnel de cette poésie et de cette critique dominée par une seule fidélité, l'Algérie et l'algérianité
que Sénac n'a cessé à la fois d'exalter et de questionner. Notre intervention aboutira à discuter des présupposés et enjeux d’une critique "algérienne" illustrée en l’occurrence par l’un de ses
auteurs polygraphes représentatifs''.
Hamid Nacer-Khodja, écrivain et universitaire algérien, est né le 25 janvier 1953 à Lakhdaria (Bouira, Algérie). Après un diplôme de l'ENA Alger (1977), il travailla dans
l'administration locale. A compter de 2000, il soutient des travaux universitaires sur Jean Sénac à Paris IV-Sorbonne et à Montpellier III et est aujourd'hui maître de conférences à l'université
de Djelfa. Il figure dans plusieurs anthologies poétiques et a édité plusieurs ouvrages sur et de Jean Sénac
De Sedrata à Ouargla : Nouvelles recherches sur l’histoire d’un carrefour saharien entre le Xe et le XIIIe siècle
Cyrille Aillet, Maître de Conférences - Université Lyon 2 CIHAM
Carrefour saharien majeur à l’époque médiévale, à l’instar de Sijilmasa, Warjlan a été aussi l’un des
principaux foyers de culture de l’ibadisme maghrébin après la chute de Tahert (296/909). Un site archéologique exceptionnel, Sedrata, fouillé notamment par Marguerite van Berchem entre 1950 et
1955, témoigne de cette première phase de rayonnement qui aurait connu une fin brutale avec le raid destructeur des Banu Ghaniyya au XIIIe siècle. Lieu de mémoire auréolé de légendes, Sedrata
attire chaque année une ziyara pendant laquelle les participants se rendent à la tombe de « l’imam » Ya’qub b. Aflah qui, fuyant les Fatimides, se serait réfugié
en ces parages lointains pour finalement mettre un terme au règne des Rustamides. Cette manifestation commémore ainsi les exils successifs de la communauté tout en célébrant un âge d’or
disparu.
Hantée par l’image d’une « Pompéi des sables », la production scientifique de l’époque coloniale n’a pas su replacer le site de Sedrata dans son contexte historique. Pour sa part, l’historien
polonais Tadeusz Lewicki, à qui l’on doit une étude du réseau commercial de Warjlan, n’a pas fourni d’explication convaincante à la disparition de Sedrata. Grâce à l’apport de sources nouvelles,
ou peu exploitées, et d’une documentation archéologique inédite, nous avons pu reconstituer avec plus de clarté les phases principales de cette histoire régionale, tout en progressant dans la
compréhension du site archéologique de Sedrata.
Cyrille Aillet (Université Lyon 2, CIHAM-UMR 5648) Maître de Conférences en histoire des mondes musulmans médiévaux à l’Université Lumière Lyon 2 et chercheur au CIHAM-UMR 5648, Cyrille Aillet
dirige depuis 2010 le programme de recherche euro-maghrébin « Maghribadite » (www.maghribadite.hypothese
http://remmm.revues.org/
Villes nouvelles en Algérie
De la volonté politique aux réalités du terrain
Ewa Berezowska-Azzag, architecte-urbaniste - Ecole Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme (EPAU) - Alger
« Les villes nouvelles suscitent en Algérie autant d'espoir que de scepticisme. Un programme ambitieux de création des villes nouvelles est en cours depuis
plusieurs années, mais les résultats sur le terrain laissent à désirer et la déception s'installe progressivement. Pourquoi des projets d'avenir, porteurs de développement territorial et
pionniers par leurs approches conceptuelles, n'arrivent pas à percer ? Entre la volonté politique de s'appuyer sur ces projets pour enclencher le processus du développement urbain durable et les
réalités du terrain, le décalage est dû essentiellement aux sérieuses incohérences structurelles et managériales.
Démêler les ambiguïtés des concepts, situer les villes nouvelles dans l'approche territoriale globale et dans la démarche de développement durable urbain, entrevoir les projets et détecter les incohérences du processus de leur mise en œuvre, pour enfin ouvrir quelques fenêtres sur les villes nouvelles et les utopies urbaines d'ailleurs - l'ambition modeste de cette rencontre est d'éclairer la problématique des villes nouvelles en Algérie comme enjeu majeur des années à venir qu'il n'est pas permis de gâcher. »
Prof. Ewa Berezowska-Azzag, architecte-urbaniste, docteur d'Etat ès sciences techniques de l'Ecole Polytechnique de Cracovie, est enseignant-chercheur à l'Ecole Polytechnique d'Architecture et d'Urbanisme d'Alger EPAU, directrice de recherche au Laboratoire Ville, Urbanisme et Développement Durable VUDD et expert consultant dans de nombreuses institutions et organismes nationaux et internationaux. Elle s'intéresse particulièrement à la problématique de l'urbanisme et de l'ingénierie urbaine dans le cadre d'une démarche de développement durable.
Un nouveau monde arabe ?
La scène artistique entre marché local et mondialisation
Silvia Naef, Professeur à l’Unité d’arabe - Université de Genève
Depuis quelques années, le monde arabe n’apparaît pas seulement dans les pages politiques des journaux ou dans l’actualité du jour, mais aussi dans les pages culturelles, plus particulièrement en relation avec les arts visuels. Des grandes expositions d’art « du Moyen-Orient », du monde arabe, voire islamique ont eu lieu ces dernières années dans des institutions prestigieuses en Occident et des artistes de la région sont montrées dans les grands événements internationaux comme la Biennale de Venise ou la dokumenta. Ce phénomène et relativement récent, car il remonte aux années 1990, et s’est intensifié dans la dernière décennie. Après une brève introduction sur l’apparition de l’art dans sa modalité occidentale au début du 20ème siècle et ses principaux développements, nous allons essayer d’analyser l’impact de ce nouvel engouement international sur la scène artistique, la création et « l’amour de l’art » (au sens de Bourdieu) dans la région.
Silvia Naef est professeur à l’Unité d’arabe de l’Université de Genève ; elle a également enseigné dans les universités de Bâle et Tübingen (1995-2001) et a été professeur invitée à Toronto (2007-2009) et Sassari (2012). Spécialiste de l’art moderne dans le monde arabe et de la question des images en Islam, elle a publié dans plusieurs langues, dans des publications académiques, des catalogues d’exposition et des ouvrages destinés à un public plus large. Elle est l’auteur notamment de Y a-t-il une question de l’image en Islam ? (2004 ; allemand 2007, italien 2011, turc 2013), A la recherche d’une modernité arabe, L’évolution des arts plastiques en Egypte, au Liban et en Irak (1996 ; arabe, 2008), L’art de l’écriture arabe, Passé et présent (1992) ; elle a dirigé, avec Bernard Heyberger, La multiplication des images en pays d’Islam (2003). Elle est actuellement la responsable principale du projet de recherche Other Modernities : Patrimony and Practices of Visual Expression Outside the West, financé par le Fonds National Suisse de la Recherche Scientifique.
Image : Exposition The Future of Tradition – The Tradition of Future, 100 Years after the Exhibition ‘Masterpieces of Muhammadan Art’, Munich, Haus der Kunst, 17 septembre 2010 – 9 janvier 2011, avec installation de Rachid Koraïchi au plafond. Photo : S. Naef, octobre 2010
Les Touaregs du Tassili n’Ajjer
Pour une lecture renouvelée de la structure sociopolitique touarègue
Dida BADI, Maître de recherche - CNRPAH - Alger
« L’une des conséquences de la vision héritée du rapport violent entre les Touaregs et les forces coloniales consiste à les présenter sous l’image d’une société nomade produisant du désordre. De ce fait, elle menace, par son rapport horizontal à l’espace, l’ordre que constituent les sédentaires ancrés dans la terre et, par la suite, les frontières des Etats. Cette vision a largement dominé les recherches sur cette société tout au long des décennies passées. Elle s’est constituée, dès le départ, en un paradigme d’analyse de la société touarègue, évacuant ainsi sa dimension sédentaire et a ainsi contribué à détourner le regard de jeunes chercheurs d’une dimension très importante de cette société pour la compréhension profonde de ses fondements civilisationnels.
L’une de raisons de cette situation est le travail d’Henri Duveyrier, par ailleurs excellent, sur Les Touareg du Nord (1864). En effet, Duveyrier, n’ayant pas réussi à pénétrer dans Ghât, passa sous silence toute référence aux Touaregs sédentaires. Son livre rend largement compte de sa relation particulière avec l’Amanukal Ikhanoukhen et de la chefferie des nomades Uraghen qui l’ont accueilli dans leurs campements.
La deuxième raison est que l’objectif essentiel de la plupart des chroniqueurs qui ont été à l’origine des connaissances sur le monde touareg, au début du siècle dernier, était essentiellement orienté vers la compréhension des mécanismes qui régissaient cette société, dans le contexte particulier des rapports de force entre les guerriers nomades et les troupes françaises désireuses d’imposer la «paix coloniale».
Les sédentaires touaregs n’ayant pas, quant à eux, opposé aux troupes coloniales une résistance similaire à celle des nomades, n’ont pas suscité un pareil intérêt. C’est dans ce sens que Mouloud Mammeri écrivait (1985 : 11) concernant les Zénètes du Gourara : « Mais tous les groupes n’ont pas suscité un égal intérêt. Souvent les plus étudiés étaient ceux qui avaient opposé à la conquête coloniale la plus vive résistance ». »
La conférence contribuera à ce débat, non seulement à travers l’analyse des savoirs, des savoir-faire et des structures sociopolitiques des communautés touarègues sédentaires et nomades du Tassili n’Ajjer, mais également en approchant le rapport qu’entretiennent ces communautés avec leur passé, notamment à travers l’étude d’éléments de la mémoire collective.
Après une licence en préhistoire à l’université d’Alger, le Dr. Dida BADI a suivi une formation en langue et littérature amazighes à l’université de Tizi-Ouzou, dans le cadre de la préparation d’un diplôme de magistère. Diplômé d’un PhD en anthropologie de l’université de Bayreuth (Allemagne), il occupe la fonction de maître de recherche au CNRPAH. Il est en 2008 le lauréat du prix du Salon international du livre d’Alger pour son livre L’Imzad : une musique millénaire touarègue publié à l’ENAG en 2007. Son domaine de recherche porte sur la collecte et l’étude des savoirs et savoir-faire traditionnels des populations touarègues du Sahara dont il est issu. Il est auteur de plusieurs ouvrages et études sur le Sahara et le Sahel, édités aussi bien en Algérie qu’à l’étranger.
Photographie du village touareg d'El Mizan, dans l'oasis de Djanet.
Optat de Milève, entre Cyprien de Carthage et Augustin d’Hippone, un évêque oublié
Paul Mattei, Professeur de langue et littérature latines - Université Lyon II
Lewcam, tatouages féminins berbères des régions de Biskra et Touggourt
Lucienne Brousse, Enseignante, Pédagogue - Linguiste
La conférence présentera la pratique du tatouage féminin, lewcam, dans les régions de l'Aurès et de l'Oued R'hir dans les années cinquante et soixante. Cette étude se base sur un corpus de dessins recueillis entre 1952 et 1965 par Eliane Ocre, Soeur Blanche, qui était à cette époque infirmière à Touggourt, puis à Biskra. Sans prétendre à l'exhaustivité, la conférence nous introduira dans un patrimoine méconnu et pourtant d'une grande richesse et diversité que la collection de dessins et de relevés nous permet d'appréhender à sa juste valeur. A partir des récits des femmes qui pratiquaient et portaient ces tatouages, la conférence ouvrira des pistes d'interprétations inédites. La pratique du tatouage, comme le note Eliane Ocre à son retour à l'hôpital de Touggourt en 1972 où elle restera 17 ans, est lentement dévalorisée puis disparaît à la fin des années soixante-dix. L'ouvrage Beauté et identité féminine, Lewcam. Les tatouages féminins berbères, régions de Biskra et de Touggourt publié par Lucienne Brousse aux éditions Dar Khettab en 2012 sera en vente à l'issue de la conférence.
Lucienne Brousse, Sœur Blanche, en Algérie depuis 1953, est titulaire d’une licence es-lettres d’arabe et d’un DEA de 3ème cycle en linguistique. Enseignante à ses débuts en Kabylie où elle apprend le kabyle puis l’enseigne, elle participe à des travaux de recherche en linguistique « à l’école » de Sr. Madeleine Allain. Elle fait partie du collectif qui en 1971 élabore au Centre d'études diocésain la Méthode Kamal pour l’arabe parlé algérien. Avec Madeleine Alain, elle est l'auteure de la méthode Tizi Wwuccen pour l'apprentissage du kabyle qui vient de paraître aux éditions du Festival du Film Amazigh (2012). En collaboration avec Zahiya Talbi, elle a traduit en arabe algérien Le Petit Prince, publié aux éditions Barzakh en 2008.
Eliane Ocre, Sœur Blanche, (1925-2004) arrivée en Algérie en 1949, exerce le métier d'infirmière à Touggourt de 1951 à 1957, puis à Biskra et El Menaa jusqu'en 1964. Elle est chargée d'ouvrir le Centre paramédical de Batna en 1964 puis celui de Barika en 1965-67. Elle exerce à Touggourt entre 1972 et 1989. Pendant toutes ces années, elle relève à main levée les tatouages dessinés sur le visage des femmes qui le veulent bien et annote chaque dessin. En 1995, en Mauritanie où elle est envoyée, elle est frappée par certaines correspondance entre les tatouages de l'Aurès et de l'Oued R'hir et certains motifs décoratifs des tentes qu'elle visite. Elle en relève les dessins.
Une maison du fahs d’Alger : la villa Ben Smen
Etude architecturale et restitution graphique
Asma Hadjilah
Rymel Ould Ali
Dalila Djallal-Himeur
Etudiantes en Post-graduation EPAU
Nabila Cherif, Maître de conférences - EPAU - Alger
La campagne algéroise, ou fahs d’Alger, était du temps de la Régence ottomane, parsemée de belles et grandes demeures de villégiature. Nombre d’entre elles
conservent le secret de leur histoire, mêlée à celle de leurs propriétaires : des notables autochtones, des hauts dignitaires turcs, des raïs et des hauts gradés du corps des janissaires ou enfin
des consuls et diplomates européens en poste à Alger.
Les écrivains et artistes peintres du XIXe et du début du XXe siècle ont évoqué et célébré la splendeur de la campagne algéroise et de ses riches maisons. Diverses
sources historiques d’époque ottomane ou des premières décennies de l’occupation française attestent de l’ampleur du patrimoine architectural résidentiel de la banlieue d’Alger, sujet qui reste
peu exploré par les chercheurs. Maison de maître, dépendances, potager et verger constituaient les composantes de ces grands domaines dont le nom de Djenan (littéralement en arabe jardin) laisse
imaginer l’écrin de verdure qui les entourait.
La villa Ben Smen, située dans le fahs d’Al-Qadous, localité de Hydra est une de ces anciennes demeures ottomanes, cachée au milieu de son parc et dont la présence est signalée dans les cartes de la région établies durant les premières décennies françaises. Elle est aujourd’hui la propriété de l’association catholique des jésuites.
L’histoire de cette villa, l’étude de son architecture et sa restitution graphique ont fait l’objet d’un travail de recherche mené conjointement par les étudiants de post-graduation de l’Ecole Polytechnique d’Architecture et d’Urbanisme d’Alger (EPAU) sous l’égide du laboratoire « Ville, Architecture et Patrimoine » (LVAP-EPAU) et ceux de l’école d’Architecture de Paris-la-Villette. Les données historiques recueillies et les dessins élaborés au moyen de procédés précis de lasergrammétrie constituent un apport précieux à la connaissance de l’architecture résidentielle de la période ottomane dans son contexte rural.
Pour une histoire sociale et politique d’Alger à travers ses quartiers populaires, 1945-1962.
Jim House, Maître de conférences - Université de Leeds (Grande-Bretagne)
Cette conférence présentera des recherches en cours pour une étude comparative de l’histoire sociale et politique d’Alger et de Casablanca durant les dernières décennies de l’époque coloniale, et se focalisera sur les quartiers populaires algérois, notamment les bidonvilles. Les bidonvilles constituent un lieu privilégié à partir duquel l’historien peut poser toute une série de questions sur la société coloniale et le déroulement du processus de décolonisation en situation urbaine. Par exemple, venus symboliser les migrations socio-économiques dès les années 1920, les bidonvilles du centre ainsi que de la banlieue algéroise montrent également l’impact considérable des migrations-refuges nées de la guerre de libération.
Le début des années 1950 voit l’émergence de différents points de vue sur les bidonvilles : ces quartiers peuvent symboliser ou bien un danger politique ou bien le signe des inégalités structurelles du système colonial. Les travaux sociologiques de l’époque montrent que chaque bidonville était différent, avec un profil démographique, sociologique et économique spécifique.
Les différentes politiques de relogement visant les bidonvilles menées à partir de 1953 - beaucoup plus ambitieuses que les précédentes - illustrent, entre autres, les tensions au sein du projet réformiste et, notamment à partir de 1957, les tensions entre réformes et répression. De telles politiques ont radicalement changé le paysage urbain (cités HLM).
Une lecture spatiale des manifestations urbaines de décembre 1960 incite à s’interroger sur certains regards sociologiques de l’époque qui considéraient les bidonvilles comme isolés du reste du tissu urbain, et à étudier les habitants des bidonvilles et des autres quartiers populaires autour comme des acteurs et actrices politiques à part entière.
Utilisant à la fois une approche « d’en haut » et une approche « d’en bas », et avec quelques renvois aux cas casablancais et parisiens, cette conférence essayera de montrer que tout comme le colonialisme, la contestation du colonialisme s’inscrivait très clairement dans l’espace.
Jim House est maître de conférences à l’Université de Leeds (Grande-Bretagne). Il est l’auteur, avec Neil MacMaster, de Paris 1961. Les Algériens, la terreur d’État, et la mémoire (Tallandier, Paris, 2008, Casbah Editions 2012, 1ère édition (en anglais) Oxford University Press, 2006).
Construction historique et modes de recomposition de la citoyenneté en Algérie.
Mohamed Brahim Salhi, Professeur en sociologie et anthropologie - Université Mouloud Mammeri - Tizi-Ouzou
La conférence abordera la question de la construction de la citoyenneté en Algérie et ses modes de recomposition, en particulier à travers les conflits identitaires et politiques. La citoyenneté est une construction historique dont les acceptions peuvent varier et s’opposer selon les moments, les projets et les acteurs. La question centrale reste cependant celle-ci : comment être soi ? Et à partir de quels éléments définit-on l’appartenance ?
Les conflits identitaires et politiques sont des moments intenses de recomposition de la citoyenneté. Ils apparaissent comme des révélateurs de la manière dont la
citoyenneté et son exercice sont formulés "par en haut", et autrement vécus "par en bas". Il peut s’agir d’un processus d’imposition qui appelle en retour soit l’adhésion forcée, soit la
contestation.
La réflexion analysera sur la longue durée les conflits et les contestations compris comme facteurs de reconstruction et/ou de déconstruction des modèles imposés, tantôt faisant droit à une
citoyenneté qui réhabilite les diversités culturelles et politiques, les droits des individus et une plus grande participation aux affaires publiques, tantôt favorisant dans le contexte de
crispations identitaires (religieuses, linguistiques, territoriales), une recomposition contraignante pour les individus et qui laisse sans réponse la question du vivre ensemble dans la liberté
et la différence.
Le conférencier interrogera la manière dont les acteurs politiques construisent la notion de citoyenneté et à partir de quels référents. Quels sont les instruments, politiques entre autres, qui garantissent l’insertion de cette notion et comment se négocie concrètement cette insertion ?
M. Brahim Salhi, docteur d’Etat ès lettres et sciences humaines (Sorbonne Nouvelle, 2004) est actuellement professeur en sociologie et anthropologie à la Faculté des sciences humaines et sociales de l’Université Mouloud Mammeri de Tizi-Ouzou et chercheur associé au CRASC (Oran).
Auteur d’une thèse de doctorat de 3ème cycle consacrée à la confrérie Rahmaniya et d’une thèse d’Etat portant sur le rapport société et religion avec comme terrain privilégié la Kabylie, ses travaux et réflexions s’orientent depuis une dizaine d’année sur la question de la citoyenneté et de son rapport à l’identité et aux identités. Il publie en 2010 aux éditions Achab Algérie : citoyenneté et identité.
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